Salut à vous amis ! Il y a quelques jours, je rentrais du Quebec, en mode "peace & love". Je n'avais pas les cheveux longs, ni même la chemise à fleurs. Je n'avais pas fumé de Marijane, ni ingurgité toute autre substance chimique, mais j'avais cette drôle d'envie de dire bonjour à tout le monde, d'embrasser mon voisin, de sourire, de chanter…
Je voudrais vous parler de ces surprenants et attachants québécois !
J'ai été littéralement bluffé par ce pays et ceux qui y habitent. Je dis ce pays, mais plutôt devrais-je dire cette Région. Car même si De Gaulle y a prononcé le bien célèbre "Vive le Quebec libre !", cette Région grande comme trois fois la France n'est encore qu'une province du Canada.
Le temps d'une petite semaine au Québec, trois petits tours de chants et puis s'en va, je n'y ai peut-être vu que les bons côtés. Et c'est certainement bien trop peu pour pouvoir porter un jugement définitif. Mais, quand même, je crois qu' il y a des signes qui ne trompent pas.
Les gens là-bas, ont l'air heureux. C'est con à dire, mais ça se voit tellement sur leurs visages, ils sont bien et ils le disent tout aussi simplement, tous de la même manière, avec les même mots, presque en choeur "Ah ça oui, ici on est bien !"
Mais pourquoi sont-ils si "bien", pourquoi ont-ils l'air si heureux ? Apparemment, le pays n'est pas trop touché par la crise, donc c'est sûr que ça aide beaucoup. Et puis, je crois aussi, il y a la densité de population très faible. Quoi qu'on dise, je ne pense pas que les êtres humains soient faits pour être entassés les uns sur les autres comme dans nos mégalopoles, dans nos cités HLM ou encore dans nos métro aux heures de pointes.
J'ai surtout été impressionné par le fait que le Québécois, par définition, n'est pas pressé. Il est zen, tranquille, ouvert. C'en est presque étrange ! Et là, je ne parle pas des habitants de la campagne; mais bien des gens de la grande ville. On se promenait à Montréal avec un ami qui faisait office de guide, et face à nous, traversant la rue, une femme se met à courir pour ne pas attendre le feu rouge. Pour plaisanter, je dis à mon ami : "ah, une québécoise pressée, c'est rare !" Il se retourne alors, prend le temps de bien regarder la personne en question s'en allant au loin, et me répond, sûr de lui : " c'est une touriste".
Avec notre guide du jour, on a un peu échangé sur la situation politique et sociale du Québec, j'essayais presque jalousement de trouver la faille. C'est vrai qu'au Québec, ils ont notamment leurs problèmes entre francophones et anglophones. D'ailleurs Montréal semble littéralement séparé en deux parties : de chaque côté de la grande avenue, les quartiers Anglophones et les francophones. Ils ne se mélangent pas. C'est, selon moi, tout sauf un petit problème. Compliqué de construire quelque chose de sain sur ces bases. Il y a eu, ces trois derniers siècles : des guerres, des règlements de comptes, des trêves qui n'en étaient, des armistices mal digérées… Donc, à priori, le Québec c'est tout sauf le monde des bisounours. À ça, mon ami m'a répondu qu'en effet, il y a bien ce conflit historique entre anglophones et francophones, mais qu'aujourd'hui, si des divergences persistent, elles n'empêchent en rien le bien-vivre ensemble. Et, surtout : les québécois, sont, d'après lui, culturellement "non violents"; et très portés sur le débat démocratique : "on pose la question, on vote, on applique... jusqu'à la prochaine question. Par exemple, le dernier référendum sur l'indépendance du Québec, s'est soldé par un non à 51 %. et les indépendantiste ont sereinement accepté le vote. Regarde ! les gens n'ont pas l'air d'être bien ensemble ?". Franchement, honnêtement, oui ! ils avaient l'air de pas trop mal se supporter.
Je continuais quand même, à chercher l'erreur. Je crois que je commençais à ressembler au mec de la pub qui ressasse tout le temps "je l'aurais un jour, je l'aurais". Cet homme, ancien professeur d'Université, me disait qu'à l'époque, ils organisaient des jumelages entre étudiants français et canadiens. Et que, après être venus étudier quelques temps au Québec, une très grande majorité des étudiants français ne rentraient plus en France. D'ailleurs, ne le répétez à personne, mais parmi la bande de saltimbanks, y en a une paire qui commençaient à s'imaginer venir "habiter ici" un jour...
La première fois où je suis venu à Paris, je me souviens que je voulais demander ma route à quelqu'un, et j'avais du mal à intercepter un passant. Les gens semblaient trop pressés pour s'arrêter. Ce qu'ils avaient à faire, devait certainement être trop important, trop urgent.
Les québécois et moi, on semble être d'accord sur un point : il n'y a rien de plus important, de plus urgent que des rapports humains simples et tranquilles : Un échange, une info, l'idée de se dire qu'on fait partie du même bateau, et qu'en ce sens, il est vital qu'on reste connectés les uns avec les autres; Et, si possible, pas que dans un monde "virtuel", derrière un écran et un clavier.
Ok, Je pars peut-être un peu loin, mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti. Alors, à votre tour, vous me direz peut-être : "il y a certainement une arnaque. Cette ouverture à l'autre, ce "positivisme" exacerbé doit certainement cacher une pathologie. Un genre de méthode coué : "je vais bien ,tout va bien". Des français expatriés depuis plus de dix ans m'ont dit qu'ils ont pensé à ça aussi; Qu'à leur arrivée, tout ce "cirque" leur semblait trop beau pour être vrai, mais après toutes ces années, il n'ont toujours trouvé "le pot aux roses". Il semblerait bien que cet état soit naturel : les québécois seraient donc naturellement sympas, ouverts, dispos, tranquilles, zens, souriants… Énervants donc ;-) ça me rappelle cette chanson d'Eddy Mitchell "j'aime pas les gens heureux…"
Un soir au restaurant, on s'amusait à imiter l'accent québecquois et on demandait au serveur de nous imiter, nous français. Il a pris son air grave et a lâché dans un bon accent bien d'chez nous : "putain, fais chier !"
Fait véridique, croyez-moi, une petite heure après avoir atterri à Charles De Gaulle, je me retrouvais dans les couloirs du métro, et, un mec passe à côté de moi en grognant à voix haute " font chier bordel avec leur putain de couloir". Bon, le mec semblait avoir très mal au ventre, peut-être avait-il des circonstances atténuantes. Tout comme ce guichetier à la gare fulminant sur ses collègues " équipe de bras cassés"; Ou comme, le type juste en face de moi dans ce train, caché derrière son écran d'ordinateur : "Putain, je vais l'exploser contre le mur". J'espère qu'il ne parle pas de moi. Vraiment, j'ai horreur de faire des généralités, mais là, pour le coup, je n'invente rien, on se croirait presque dans un célèbre sketch des inconnus : Le contrôleur vient d'annoncer au micro que nous circulions avec un retard de 10 minutes : Et vlà que les insultes et autres gestes d'agacements ( pfft, rhaaa, etc… ) fusent de toutes parts. Et, preuve pleine de mauvaise foi : pas un seul "tabarnak" à l'horizon !
Alors, je ne sais pas quoi penser de tout ça. Je ne comprends pas pourquoi un tel fossé. Est-ce qu'on est vraiment si bien au Québec ? Est-ce qu'on va vraiment si mal en France ?
A Montréal et à Québec, j'ai bien essayé de mener mon enquête, j'ai interrogé une bonne dizaine de québécois en leur demandant quel était "leur secret". Ils m'ont donné tout un tas de raisons plus farfelues les unes que les autres. La seule qui m'ait parue un tant soit peu plausible était celle-là :
" En fait, ici, comme chaque hiver, il peut faire jusque -30 degrés, donc, en quelques sorte, on hiberne. On ne sort plus de chez nous pendant un mois ou deux ou trois. Alors quand l'hiver prend fin, on est heureux de retrouver la civilisation. Tellement, qu'on a envie de parler à tout le monde. À son voisin; au passant dans la rue, en lui lançant un "hey ! salut !" tellement heureux de revoir le jour que même si on le voulait, on ne pourrait pas le cacher".
Je ne sais pas si je peux croire cette histoire d'hibernation, surtout que la personne en question avait l'air de se foutre un peu de moi en me racontant ça mais, naïf, j'ai trouvé cette explication plutôt convaincante. ça se tient.
Plus sérieusement, je me dis que dans cet Eldorado moderne nommé Québec, qui ne connait ni les trop fortes densités de population, ni la grande précarité, on est à l'abri de bien des maux de notre époque. Et donc ça aide forcément à être plus ouvert, plus confiant. Et puis, on court moins vite aussi, on a moins la tête dans le guidon : ça aide à la lever, la tête, à regarder un peu plus autour de nous; à avoir un peu plus de temps pour soi et pour les autres…
Cette naïveté, je me dis que c'est un vrai trésor, et il faut juste qu'ils la gardent précieusement aussi longtemps qu'ils le pourront. Tout comme nous devrions essayer de tout faire pour imaginer la retrouver un jour.
Personnellement, c'est un peu dans cet état d'esprit que l'année dernière, j'ai quitté mon Roubaix natal. Un soir d'automne, je me suis lassé du bruit de la grande métropole, du bitume qui m'avait élevé et que j'avais tant aimé. J'en ai eu marre de courir, peut-être. Je me suis enfui en quelque sorte. Certains diront que j'ai fini par déserter.
Bon, je ne suis pas allé me perdre en plein Larzac, non ! ( pas encore ;-) mais j'ai trouvé cette ville, de taille moyenne, au bord de la campagne, au bord de la rivière, pas trop loin du soleil. Un ptit coin pas encore trop chargé, où le temps passe un peu moins vite; où on respire un p'tit peu mieux, où on en profite un petit peu plus.
Alors, entre deux voyages, entre deux concerts, dans mon nouveau chez moi, avec ma petite famille, loin du tumulte et de la confusion, je peux dire qu'à ma façon, je suis heureux comme un québécois.